De toute façon ici personne ne comprend le français…

Vu au bureau de poste aujourd’hui:
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Un petit conseil pour les Français qui viennent en Russie, ne lisez pas ce qui est écrit en français, même à la poste. Personne ne parle français alors même s’ils écrivent n’importe quoi, personne ne s’en apercevra. Le plus sûr c’est de lire le Russe, ou à la limite l’anglais. Curieusement l’écriteau n’est pas traduit en Allemand. Par contre c’est traduit deux fois en français et deux fois de façon incorrecte. Pour mémoire:

На себя: Tirez
От себя: Poussez

Kirpitchi: parle russe!

Curieusement les Français ont dans l’idée que tous les Russes y compris jeunes s’expriment très bien. Or si c’est peut être le cas parmi les diplomates et les spécialistes de littérature comparée, le commun des mortels ne va pas s’embêter avec les subtilités de la langue. La chanson qui suit donne une bonne illustration de l’argot, des expressions d’adolescents et autres parasites qui entrent progressivement dans la langue russe telle qu’elle est parlée.

Parle Russe! voilà un bon conseil, mais quel russe?

Кирпичи – Говори По-Русски
ГОВОРИ ПО-РУССКИСлы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Ну, или по-крайней мере по-французски,
Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ou bien alors au-moins en français,
 Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Ну, или по-крайней мере по-зулуски!
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ou bien alors au-moins en zoulou,
Судьбе не раз шепнем, йоу «Мерси боку»
Будем ща учить всех вас русскому языку
Звонить, а не звоните, и где какой падеж,
А то что-то в натуре развелось вас невеж
On a jamais murmuré au destin, Yohu « Merci beaucoup »
Nous allons vous apprendre à tous la langue russe,
Prononcer Zvanit et pas Zvonit, et où mettre quel cas les cas,
Et que vous êtes nombreux en fait à pas bien parler
Главная буква в Русском языке «Ё»
Ведь смысл если надо выпадает на неё!
Урок 2-ой, разбираем слово come on
Если ты его не знаешь, йоу, из класса вон
La principale lettre de la langue russe c’est « Io »
C’est à dire si vous avez besoin de tomber sur elle!
A la deuxième leçon on va étudier le mot « come on »
Si tu ne le connait pas, oh-là, hors de la classe!
 Что ещё я скажу, не, ну есть слово Yeah
Применяется оно при чтение
Есть ещё одно слово, ох «Беспредел»
Великий и могучий совсем не оскудел
 Que dois-je dire encore, eh bien, il y a le mot Yeah
Il s’applique à la lecture
Il y a un autre mot, oh « le bordel »
Grand et puissant pas appauvri le moins du monde
Так уже говорит большая часть россиян
Если что-то хорошо или в знак согласия
Рекомендуем всем бля говорить «Оке»
На правильном чисто русском языке
La plupart des Russes parle déjà ainsi
Si quelque chose est bon, ou en signe de consentement
Nous recommandons, putain, de dire « Oké! »
Dans une langue russe pure
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Ну, или по-крайней мере по-французски!Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Ну, или по-крайней мере по-зулуски!
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ou bien alors au-moins en français,Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ou bien alors au-moins en zoulou,
 Пацаны – это жесть, пацаны – это жесть
Будем беречь наш язык, и будет нам честь
Будет нам реальный респектос полюбэ
Если мы победим в этой жестокой борьбе
Ah les mecs c’est trop mortel!
Prenons soin de notre langue, et nous nous honorerons
On sera respektos en toute circonstance
Si nous gagnons dans ce combat brutal
 За чистые языка, бро – погоди пока
Профессор в натуре намнёт тебе бока
А то реально этот твой сленг не прёт
Лучше помолчи, закрой свой грязный рот
Au nom de la pureté de la langue, bro, attends un peu
Le prof va te flanquer une bonne correction
Parce que là sans blague, ta tchatche, ça va pas du tout
Tu ferais mieux de te taire, de fermer ta sale gueule
 Сойдёшь за умного, а то несёшь пургу
Не, ну я с тебя фигею, не, ну не могу
Чисто говори, забудь об отстое
Если у тебя осталось что-то святое
Au moins t’auras l’air intelligent, parce que là tu dis des conneries
Sans blague, j’hallucine trop quand je t’écoute, j’en peux plus
Parle bien, arrête avec cette bouse
S’il y a encore quelque chose de sacré pour toi.
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Ну, или по-крайней мере по-французски! 

Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Ну, или по-крайней мере по-зулуски!

Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ou bien alors au-moins en français,

 

Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ou bien alors au-moins en zoulou,

 Дальше пойдём, разберём вопросы пола
Тут всё просто, даже не надо ходить в школу
Пацан и чикса, ща определю всё точно я
Пацан – должен быть чётким, а чикса – должна быть сочная
Avançons, laissons de coté les questions de genre
C’est tout simple, y a même pas besoin d’aller à l’école
Les mec et les meufs,  j’arrive à les distinguer
Le mec doit être fiable, et la meuf doit être méga bonne
 Давайте говорить правильно, чтоб всё было ништяк
Мэн, я слышал уже не говорят чувак
Не говорят так сейчас, так глаголили встарь
Старики так базарили, загляни в словарь
Allez, parlons correctement pour que tout baigne
J’entendu qu’on dit plus un type mais un « man »
On ne parle plus maintenant, comme au moyen âge
C’est comme ça que causaient les vieux, penche-toi sur un dictionnaire
 Научный подход реально рулит
Не ну в натуре, бля, пацаны хуйли
Не надо для этого заканчивать «Филфак»
Говоришь по-русски, нет, всё ништяк
L’approche scientifique sans blague, c’est trop de la balle
C’est clair, putain les gars ça déchire sa race
Il y a pas besoin de terminer la fac de linguistique
Parle en russe, non, tout baigne!
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Ну, или по-крайней мере по-французски! 

Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Ну, или по-крайней мере по-английски!

Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Слы э… говори по-русски
Ну, или по-крайней мере по-зулуски!

Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ou bien alors au-moins en français!

 

Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ou bien alors au-moins en Anglais,

Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ecoute … Parle russe
Ou bien alors au-moins en français,

Pourquoi les gentilshommes russes parlaient français?

Plusieurs fois je me suis posé cette question. Et je ne trouve pas de réponse sûre. D’un côté ils auraient suivi la mode du temps qui les obligeait à parler français. (A l’époque le français était la langue principale de diplomatie.) Alors c’est drôle. Dans le roman de Tolstoï «La guerre et la paix» très discutable du point de vue de la clarté de langue et de sveltesse de sujet, les héros parlent français entre eux. Pour quel but? Chez Tolstoï le français est bien bouffi et non naturel, privé de simplicité. D’ailleurs il y en a le même en russe. Je suis certain que les lecteurs se moquent de cet entortillage du style. Son roman est l’un des plus ennuyeux. La stylistique est terrible. À l’âge mûr je suis parvenu à lire les premières 150 pages. Et j’ai été au point de fermer le livre le plus vite possible. Les personnages vagues et troubles mal décrits, le français déplacé m’ont dégoûté. S’il y a la tâche d’écraser l’envie de lire, alors je vous le recommande.

Pourquoi Jacques Chirac aime la Russie

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Jacques Chirac aime beaucoup l’orient et la Russie, dans ce discours prononcé à Saint Petersburg en 1997 il revient sur les raisons de son attachement à la langue de Pouchkine.

« …on me demandait pourquoi j’avais un lien particulier avec votre grand et beau pays. On se demandait pourquoi un jour j’avais voulu apprendre votre langue. Je vais vous le dire, parce que cette petite histoire a une morale.

J’avais 13 ou 14 ans et j’étais passionné par l’Asie, notamment par l’Inde. Je m’étais mis dans la tête d’apprendre le sanscrit. Je cherchais naturellement quelqu’un pour me l’apprendre – ce n’était pas facile – lorsque j’ai appris qu’un vieux Monsieur Russe, à Paris depuis longtemps où il avait fait tous les métiers pouvait enseigner le sanscrit. Je suis donc allé le voir et il a commencé à m’apprendre le sanscrit. Cela a duré deux mois. Parce qu’au bout de deux mois, il m’a dit : « tu sais, d’abord tu n’es pas doué et ensuite cela ne sert à rien d’apprendre le sanscrit. Alors si tu veux vraiment apprendre quelque chose, tu ferais mieux d’apprendre la plus belle langue du monde : le russe, et je vais te l’apprendre ».

Ce vieux Monsieur russe s’appelait M. BELANOVITCH, je suis heureux ici, parce qu’il était de Saint-Pétersbourg, d’avoir pour lui une pensée affectueuse. Il repose aujourd’hui dans le cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois, le cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, d’ailleurs un cimetière créé par la famille de M. Jean de Boishue présent ici, qui est ancien ministre.

Ce M. BELANOVITCH m’a appris à parler quand j’étais jeune. Il m’a initié à la littérature russe, superbe s’il en est, servie par une langue extraordinaire, dans laquelle on trouve toutes les émotions et toutes les passions, toutes les intonations aussi qui sont celles à la fois du coeur et de l’esprit. Il m’a notamment appris à lire Pouchkine, ce qui m’a amené à faire effectivement une traduction de Eugène ONEGUINE.

Une traduction d’ailleurs – je devais avoir 19 ans – que j’avais envoyée à plusieurs maisons d’édition pour qu’elles la publient. Je me faisais des illusions. Je l’avais envoyée à une douzaine de maisons d’édition importantes, la moitié m’avait répondu que cela ne les intéressait pas, l’autre moitié ne m’avait pas répondu.

En 1974, j’ai été nommé Premier ministre, alors, j’ai immédiatement reçu un coup de téléphone d’un Monsieur qui était le dirigeant des Presses Universitaires de France, une grande maison française. « Ah ! Qu’il m’a dit, Monsieur le Premier ministre, nous venons de découvrir une extraordinaire traduction de Eugène ONEGUINE, nous voudrions naturellement la publier. Je ne sais pas pourquoi on ne l’a pas publiée avant, mais si vous pouviez nous faire quelques pages d’introduction nous expliquant l’histoire, alors nous serions heureux de la publier ». Je lui ai dit « écoutez, cher Monsieur, vous n’avez pas voulu quand j’avais 20 ans, vous ne l’aurez pas aujourd’hui, parce que je suis Premier ministre ». C’est comme cela que ma carrière dans le domaine de la traduction littéraire s’est interrompue.

Déformer les mots on peut ou pas? la vocabularitude!

La récente parodie de Ségolène Royal par Bruno Candida m’a fait penser à quel point la langue Française est rigide. On respecte la langue, il y l’académie Française qui rappelle à l’ordre tous les déviants au bon ordre lexicographique. Les nouvelles technologies posent d’ailleurs problème, comment doit on dire pour un blog, un podcast, les débats n’en finissent pas. On décrète des mots français qui ne sont pas adoptés. Bref le Français est relativement rigide. Les publicitaires font relativement peu de néologisme et chez la candidate à la présidence de la république le mot bravitude soulève tout de suite un tollé.
Les Français sont un peu coincés avec leur langue.

Les Russes sont relativement décomplexés depuis la fin du socialisme. L’ampleur qu’à pris le phénomène Preved l’an dernier en est bien la preuve. Priviet veut dire en russe salut. Changer les voyelles et l’intonation en mettant l’accent sur la fin du mot difforme totalement le mot mais le laisse reconnaissable. Et pourtant l’an dernier suite à une blague sur internet les gens se sont massivement mis massivement mis à torturer ce pauvre mot. A l’origine la blague était un détournement d’une illustration de l’artiste américain John Lurie dans lequel un ours venait faire peur à couple faisant l’amour dans la nature en criant « Surprise« . Au lieu de Surprise les russes mirent «Преве́д!» et prénommèrent l’ours Medved.

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Ceci étant je dit peut être des bêtises, et si quelqu’un a l’occasion de demander à Helène Carrère d’Encausse un avis sur la question il sera sûrement beaucoup plus pertinent que le mien, tant sur le français que sur le russe, encore que la secrétaire perpétuelle de l’académie Française n’a peut être pas suivi internet et le phénomène de l’ours Medved de très près.

La langue Russe en perte de vitesse

2007 est l’année de la langue Russe dans le monde. Je ne sais pas trop comment cela se traduit dans les faits (manifestations culturelles, effort pour enseigner plus le russe…) mais la volonté politique est de mieux valoriser la langue qui est en perte de vitesse au niveau mondial.

En effet pour l’instant la langue russe est la quatrième parlée dans le monde derrière le mandarin, l’anglais et le castillan. 130 millions de Russes la parlent et 114 millions de non russes. Mais dans les dix années à venir si la tendance se confirme on devrait plus parler le Français, l’Arabe et l’Indou que le russe. Les pays voisins de la Russie ou dans sa sphère d’influence voient une nette diminution de l’enseignement du russe au profit de l’anglais, de l’arabe ou du castillan ou d’autres langues semblant plus utiles pour les étudiants. D’un autre coté la population russe n’allant pas augmenter dans les années à venir. La langue russe va simplement perdre sa place mondiale.

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La courbe parle d’elle même.

Pour aller plus loin on peut consulter cet article d’août dernier chez Polit.ru: combien de gens parlent russe et parleront russe? ou encore cet article du Moscow Times du mois d’octobre.