Jacques Chirac aime beaucoup l’orient et la Russie, dans ce discours prononcé à Saint Petersburg en 1997 il revient sur les raisons de son attachement à la langue de Pouchkine.
« …on me demandait pourquoi j’avais un lien particulier avec votre grand et beau pays. On se demandait pourquoi un jour j’avais voulu apprendre votre langue. Je vais vous le dire, parce que cette petite histoire a une morale.
J’avais 13 ou 14 ans et j’étais passionné par l’Asie, notamment par l’Inde. Je m’étais mis dans la tête d’apprendre le sanscrit. Je cherchais naturellement quelqu’un pour me l’apprendre – ce n’était pas facile – lorsque j’ai appris qu’un vieux Monsieur Russe, à Paris depuis longtemps où il avait fait tous les métiers pouvait enseigner le sanscrit. Je suis donc allé le voir et il a commencé à m’apprendre le sanscrit. Cela a duré deux mois. Parce qu’au bout de deux mois, il m’a dit : « tu sais, d’abord tu n’es pas doué et ensuite cela ne sert à rien d’apprendre le sanscrit. Alors si tu veux vraiment apprendre quelque chose, tu ferais mieux d’apprendre la plus belle langue du monde : le russe, et je vais te l’apprendre ».
Ce vieux Monsieur russe s’appelait M. BELANOVITCH, je suis heureux ici, parce qu’il était de Saint-Pétersbourg, d’avoir pour lui une pensée affectueuse. Il repose aujourd’hui dans le cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois, le cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, d’ailleurs un cimetière créé par la famille de M. Jean de Boishue présent ici, qui est ancien ministre.
Ce M. BELANOVITCH m’a appris à parler quand j’étais jeune. Il m’a initié à la littérature russe, superbe s’il en est, servie par une langue extraordinaire, dans laquelle on trouve toutes les émotions et toutes les passions, toutes les intonations aussi qui sont celles à la fois du coeur et de l’esprit. Il m’a notamment appris à lire Pouchkine, ce qui m’a amené à faire effectivement une traduction de Eugène ONEGUINE.
Une traduction d’ailleurs – je devais avoir 19 ans – que j’avais envoyée à plusieurs maisons d’édition pour qu’elles la publient. Je me faisais des illusions. Je l’avais envoyée à une douzaine de maisons d’édition importantes, la moitié m’avait répondu que cela ne les intéressait pas, l’autre moitié ne m’avait pas répondu.
En 1974, j’ai été nommé Premier ministre, alors, j’ai immédiatement reçu un coup de téléphone d’un Monsieur qui était le dirigeant des Presses Universitaires de France, une grande maison française. « Ah ! Qu’il m’a dit, Monsieur le Premier ministre, nous venons de découvrir une extraordinaire traduction de Eugène ONEGUINE, nous voudrions naturellement la publier. Je ne sais pas pourquoi on ne l’a pas publiée avant, mais si vous pouviez nous faire quelques pages d’introduction nous expliquant l’histoire, alors nous serions heureux de la publier ». Je lui ai dit « écoutez, cher Monsieur, vous n’avez pas voulu quand j’avais 20 ans, vous ne l’aurez pas aujourd’hui, parce que je suis Premier ministre ». C’est comme cela que ma carrière dans le domaine de la traduction littéraire s’est interrompue.
moi aussi j’ai 55 années d’affection pour la Russie : en 1965 j’ai épousé un russe, ; la mort ne nous a pas vraiment séparé. il est dans mon coeur, pour toujours.
mon mari est un savant russe et se nomme Nikolaï Nedobejkine Prokhorovitch.