Rue Viktor Tsoi

Les journaux titrent avec une grande photo de Victor Tsoi, en effet le gouverneur de Saint Petersbourg s’est déclaré sur Twitter ne pas être opposés à ce que une rue de Saint Petersbourg soit rebaptisée en faveur du chanteur de rock qui feterait son 50ieme anniversaire le 21 juin prochain s’il n’était déjà mort. Gregory Poltavtchenko, le gouverneur de la capitale du nord donc, a même dit que cette idée lui plaisait et qu’il fallait y travailler. Tout le monde semble soutenir le projet. Le chanteur de rock Iouri Chevtchuk fait le commentaire suivant à commersant FM:  « Pourquoi pas? Ses oeuvres ont tellement de fans dans le pays! Et cet homme devenu une véritable légende comme peu le sont. Comme Vladimir Vysotsky. »

Reste à savoir ce qu’il en sera et quelle rue sera choisie. En attendant une expositionde photographies de la star à lieu à Saint Petersbourg et des concerts auront lieu pour le Jubilé, à Moscou ce devrait être le 30 septembre.

Spam Macadam

J’ai déjà évoqué que les trottoirs de Moscou son encombrés par des publicités pour des services divers y compris une pyramide financière qui cherche à siphonner toutes les liquidités de la planète (sic).  Et bien maintenant on fait un pas de plus vers l’industrie du spam: des publicités pour le Viagra. A quand les pubs pour les produits stupéfiants?

Riche à en jeter l’argent par les fenêtres

Dimache dernier Saint Petersbourg fêtait le jour de la ville, à cette ocasion Pavel Durov, le Mark Zuckerberg russe, a jeté au dessus de la foule qui se trouvait sous son bureau des petit avions en papier faits en coupures de 5000 roubles, soit plus de cent euros. Il faut préciser plusieurs choses, d’abord sous le bureau de Pavel Durov il y a toujours foule, c’est l’immeuble le plus prestigieux de Saint Petersbourg, l’acienne maison Singer et maintenant une grande librarie au nom évocateur de Dom Knigui (La maison du livre). C’est à l’angle de la perspective Nevski et du canal Griboïedov. Ensuite 5000 roubles peuvent sembler peu en regard de la fortune de Pavel Durov (350ieme fortune du pays et estimée à près de 8 milliards de roubles meme si l’introduction en bourse de Vkontakte ne devrait pas se faire avant longtemps). 5000 roubles peuvent sembler peu en regard des prix des boutiques de luxe qui se trouvent à proximité. Mais 5000 roubles c’est aussi beaucoup pour certaines catégories de personnes tels que les retraités, les employés de certains secteurs de l’économie…

Cette « experience sociale » se révéla très dangeureuse, d’une part pour les passants qui étaient sur le point de s’entretuer pour attraper un peu d’argent et d’autre part pour Pavel lui même puisque les internautes se sentaient humiliés et appelaient à se désinscrire de Vkontakte ou à se venger d’une autre façon. Car au fond se montrer à la fenetre d’un des plus prestigeux immeubles pour y jetter de l’argent sur la foule et regarder les gens se battre pour tenter d’avoir le précieux billet, c’est une forme de divertissement très provocante.

Jeter l’argent par les fenetres c’est aussi une expression pour dire mal gérer ou faire des investissement en pure perte, cela a donc inpiré le dessinateur Serguei Elkine qui représente un investisseur qui suit le conseil qu’il croit avisé du grand manager Pavel Durov, à savoir jeter l’argent par les fenetres.

La web-cam suivante représente l’évenement en entier:

Victor Tsoi: Bonjour le dernier héros

Victor Tsoi: Bonjour dernier héros
I куплет:
Ночь коротка, цель далека,
Ночью так часто хочется пить,
Ты выходишь на кухню, но вода здесь горька,
Ты не можешь здесь спать, ты не хочешь здесь жить.Припев:

Доброе утро!
Последний герой.
Доброе утро!
Тебе и таким как ты,
Доброе утро!
Последний герой.
Здравствуй!
Последний герой.

couplet I:
La nuit est courte, l’objectif est loin,
Dans cette nuit j’ai si souvent soif,
Tu sors dans la cuisine, mais ici l’eau est amère,
Tu ne peux pas dormir ici, tu ne peux pas vivre ici.Refrain:

Bonjour!
Le dernier Héros.
Bonjour!
A toi et à ceux comme toi,
Bonjour!
Le dernier Héros.
Bonjour!
Le dernier Héros.

II куплет:
Ты хотел быть один это быстро прошло,
Ты хотел быть один, но не смог быть один,
Твоя ноша легка, но немеет рука,
И ты встречаешь рассвет за игрой в « дурака ».

Припев:

Доброе утро!
Последний герой.
Доброе утро!
Тебе и таким как ты,
Доброе утро!
Последний герой.
Здравствуй!
Последний герой.

Couplet II:

Tu voulais être seul, ça s’est passé vite
Tu voulais être seul, mais tu n’as pas pu être seul
Ton fardeau est léger, mais ta main s’engourdie
Et tu rencontres l’aube en jouant aux cartes.

Refrain:

Bonjour!
Le dernier Héros.
Bonjour!
A toi et à ceux comme toi,
Bonjour!
Le dernier Héros.
Bonjour!
Le dernier Héros.

III куплет:

Утром ты стремишься скорее уйти,
Телефонный звонок как команда – Вперёд!
Ты уходишь туда куда не хочешь идти,
Ты уходишь туда, но тебя там никто не ждёт.

Припев:

Доброе утро!
Последний герой.
Доброе утро!
Тебе и таким как ты,
Доброе утро!
Последний герой.
Здравствуй!
Последний герой.

Couplet III:

Le matin tu aspires à partir,
La sonnerie du téléphone est comme un commandement d’aller de l’avant!
Tu sors là où tu ne voudrais pas aller,
Tu y vas, mais là-bas personne ne t’attends.

Refrain:

Bonjour!
Le dernier Héros.
Bonjour!
A toi et à ceux comme toi,
Bonjour!
Le dernier Héros.
Bonjour!
Le dernier Héros.

DDT: en ligne pour la vérité

Cette chanson est nouvelle et a été publiée la semaine dernière pour les 55 ans de Iouri Chevtchouk.

DDT: en ligne pour la vérité
Я расплатился с ночью, Я завязался в узел
Прошлое в ипотеке, Будущее в Свинце
Меня тащит на дно улиц и народ богоносец -лузер
В очереди за правдой ставит меня в конце.

Тоннами облока, Прохожий не стой под краном,
В Искусстве прогрессов нет, есть расширение сфер,
В Борьбе за божественный свет обуглились ветераны,
В Очереди за правдой, правды которой…

J’ai réglé mes comptes avec la nuit et me suis noué
Le passé dans l’hypothèque l’avenir de plomb
Je suis entraîné au fond des rues et le peuple porteur de Dieu, looser
Me met à la fin dans la file d’attente pour la vérité.

Des tonnes de nuages, passant ne reste pas sous la grue,
En art pas de progrès, il y a une extension des sphères,
Dans la lutte pour la lumière divine les vétérans charbonnent
Dans la file d’attente pour la vérité, la vérité que …

 Народ наш, как и везде, увы не плохой, не хороший,
Мне помогает выжить-его божественная нагота,
Не по сеньке моя голова, зато по шее-любая ноша,
Она разрешает верить, что движение-красота.

Я вышел из города ночью,чтоб перейти поле,
Я завязался в узел, но по-прежнему светел и тих
Сделать воинами сочувствия, солдат ненависти и боли-
Неплохая,чувак, работа, не хуже любых других

Notre peuple, comme partout ailleurs, hélas, n’est pas mauvais, n’est pas bon,
M’aide à survivre, sa nudité divine,
Ma tête est trop petite, mais je peux porter n’importe quel fardeau,
Elle permet de croire que le mouvement c’est la beauté.

J’ai quitté la ville de la nuit, pour traverser le champ,
Je me suis noué, mais toujours clair et calme
Faire des soldat de la haine et la douleur, des combattant de la compassion-
Pas mal, le type, le travail, pas pire que n’importe qui

 

Peter Nalitch – La mer

Peter Nalitch est un des rares artistes russes à avoir un beau site en Français avec même certains de ses textes et leur traduction en Français. C’est bien sûr le représentant de la Russie au concours Eurovision 2010 avec son titre désespéré et larmoyant à souhait, mais non dénué d’humour, Lost and Forgotten. (Bien entendu un titre pareil ne pouvait guère lui apporter la victoire comme à un Dima Bilan). Mais Peter Nalitch est surtout un artiste issu d’internet, un jeune homme plein d’humour qui a une armée de fans. Même s’il chante volontiers dans d’autres langues il conserve un accent russe visiblement très bien entretenu.

Paroles Peter Nalitch – La mer
 На бескрайнем морском просторе
Светят звездами маяки.
С тихой песней мы уходим в море –
Подпевай друзьям, моряки!Припев:
Ла-ла-ла-лай, ла-ла-ла-ла-ла-лай,
Ла-ла-ла-лай, ла-ла-ла-ла-ла-лай…

Теплый ветер качает лодку,
Над водою стоит туман.
Не забуду я твою походку,
Как не забуду я твой обман.

Ты сегодня всю ночь гадала,
Милая, с кем же будешь ты?
Как ты по полу раскидала,
Ты в щепки разбила мои мечты.

Припев:
Ла-ла-ла-лай, ла-ла-ла-ла-ла-лай,
(подпевают моряки)
Ла-ла-ла-лай, ла-ла-ла-ла-ла-ла-ай,
Ла-ла-ла-лай…

Волны бьются все выше, выше –
Мне теперь все равно.
Больше меня никто не услышит,
С тихой песней мы уходим на дно…

Припев:
Ла-ла-ла-ла, ла-ла-ла-ла-ла-лай,
Ла-ла-ла-лай, ла-ла-ла-ла-ла-ла-ай…

Буду лежать я на дне океана
В мире беззвучной красоты,
Будут надо мною проплывать капитаны,
С которыми, быть может, гуляешь ты.

Ты сегодня всю ночь глядела
На волны, бегущие за кормой.
Там, в глубине, ты увидела тело –
Да, это я! Я всегда с тобой…

Припев:
Ла-ла-ла-лай, ла-ла-ла-ла-ла-лай,
Ла-ла-ла-лай, ла-ла-ла-ла-ла-ла-ай,
(подпевают моряки)
Ла-ла-ла-лай, ла-ла-ла-ла-ла-лай,
Ла-ла-ла-лай, ла-ла-ла-ла-ла-ла-ай..

Sur la mer infinie,
Les phares brillent comme des étoiles,
En une douce chanson, nous partons en mer –
Marins, chantez avec vos amis !La-la-la-lai La-la-la-la-la-lai
La-la-la-lai La-la-la-la-la-lai

Une brise tiède agite la barque,
Au dessus de l’eau s’étend la brume.
Je n’oublierai pas ta démarche,
Je n’oublierai pas ta tromperie.

Tu t’es demandée toute la nuit,
Mon amour, avec qui seras-tu ?
Comme tu as balancé par terre,
Tu as brisé en copeaux mes rêves.

Refrain :
La-la-la-lai La-la-la-la-la-lai
(les marins chantent)
La-la-la-lai La-la-la-la-la-lai
La-la-la-lai

Les vagues frappent de plus en plus haut,
Tout m’est égal à présent.
Plus personne ne m’entendra,
En une douce chanson, nous partons au fond…

Refrain :
La-la-la-la, La-la-la-la-la-lai
La-la-la-la, La-la-la-la-la-lai

Je resterai couché au le fond de l’océan,
Dans un monde de beauté silencieuse,
Au-dessus de moi passeront des capitaines
Avec lesquels tu t’amuses, peut-être.

Toute la nuit, tu as regardé
Les vagues courant à la surface de l’eau.
Là, au fond, tu as vu un corps.
Oui, c’est moi ! Je suis toujours avec toi…

Refrain :
La-la-la-lai, La-la-la-la-la-lai
La-la-la-lai, La-la-la-la-la-la-lai
(les marins chantent)
Lalala
Lalala

La mode des prières politiques

En France cela paraitrait Saugrenu de remercier Dieu ou la sainte Vierge d’avoir permis l’élection de François Hollande (pourtant il existe le courant des poissons roses qui sont de jeunes socialistes catholiques ), de même cela paraitrait tout à fait farfelu si un groupe de rock issu d’un collectif artistique investissait Notre Dame de Paris pendant la fin du carnaval pour prier pour que Nicolas Sarkozy ne soit pas élu président. Bien sûr on a bien parlé du vote contre l’islamophobie d’un coté et de l’autre du vote des islamistes de l’autre, mais cela reste des affaires politiques et terrestres, à aucun moment on a parlé de Dieu ou de la sainte vierge.

En Russie au contraire c’est normal de remercier Allah pour l’élection de Vladimir Poutine oui de prier Marie pour qu’il ne le soit pas. Je vous laisse découvrir les vidéos suivantes. Précisions que Tolibdjon Kurbanhanov est Tadjik et l’auteur d’un hit international dont j’ai déjà parlé et que les membres présumés des Pussy Riots sont Russes et actuellement en prison.

Толибджон Курбанханов
В каждом из нас в душе живет герой
Быть на него похожим хочется порой,
Когда был мальчишкой, увидел его впервые
С тех пор хочу быть на него похожим сильнее.
Я уже не сомневаюсь в божьей силе
Хотел его победы данной нам свыше
И те, кто верит в Бога, об этом знают
Не каждого там, на небесах, выбирают.
Спасибо тебе, Боже, за Владимира
За моего героя и кумира
Я подниму бокал за здоровье,
Чтобы у него сбылись все желания.
Спасибо тебе, Боже, за Владимира
За моего героя и кумира
En chacun de nous vit un héros dans l’âme
Le héros voudrait lui ressembler
Quand j’étais gosse, je l’ai vu pour la première fois
Depuis je veux lui ressembler encore plus.
Je ne doute pas de la puissance de Dieu
Voulais sa victoire qui nous est donnée d’en haut
Et ceux qui croient en Dieu le savent
Là-haut dans le ciel on ne choisit pas tout le monde.
Merci, mon Dieu, pour Vladimir
Pour mon héros et mon idole
Je vais lever un verre à sa santé,
Pour réaliser tous ses désirs.
Merci, mon Dieu, pour Vladimir
Pour mon héros et mon idole
Ведь я не один на свете такой
Все больше нас, кто согласен со мной.
Он во главе страны – значит так надо!
Великому народу – достойная награда
Если мы с ним, то правильно идем
Это понять мы сможем только потом.
Цените его и каждое мгновение
Все что он делает – ради улучшения
Много врагов у него, они враги страны
Россию разделить хотели, но не смогли.
C’est que je suis pas le seul ainsi au monde,
Toujours plus sont d’accord avec moi.
Il est à la tête du pays, ça veut dire qu’il doit en être ainsi!
Le grand peuple a une digne récompense
Si nous sommes avec lui c’est qu’on fait comme il faut
Nous ne pourrons le comprendre que plus tard.
Appréciez-le à chaque instant
Tout ce qu’il fait c’est pour le mieux
Il a beaucoup d’ennemis, ce sont les ennemis du pays
Ils voulaient partager la Russie mais n’y sont pas arrivés.

Pussy Riots
Богородица, Дево, Путина прогони
Путина прогони, Путина прогони
(конец хора)
Черная ряса, золотые погоны
Все прихожане ползут на поклоны
Призрак свободы на небесах
Гей-прайд отправлен в Сибирь в кандалах
Глава КГБ, их главный святой
Ведет протестующих в СИЗО под конвой
Чтобы Святейшего не оскорбить
Женщинам нужно рожать и любить
Срань, срань, срань Господня
Срань, срань, срань Господня
(Choeur)
Sainte Marie mère de Dieu, chassez Poutine
Chassez Poutine, Chassez Poutine
(Fin du choeur)
Robe noire, épaulettes d’or
Tous les paroissiens se trainent en génuflexions
Le fantôme de la liberté est dans les cieux
Marche des Fiertés est envoyée enchaînée en Sibérie
Le chef du KGB le saint en chef
On conduit les manifestants en prison sous escorte
Afin de ne pas offenser sa Sainteté
Les femmes donner naissance et aimer
Merde, merde,Merde, merde, Putain de Merde!
Merde, merde, Putain de Merde!
 (Хор)
Богородица, Дево, стань феминисткой
Стань феминисткой, феминисткой стань
(конец хора)Церковная хвала прогнивших воджей
Крестный ход из черных лимузинов
В школу к тебе собирается проповедник
Иди на урок – принеси ему денег!Патриарх Гундяй верит в Путина
Лучше бы в Бога, с%ка, верил
Пояс девы не заменит митингов –
На протестах с нами Приснодева Мария!

(Хор)

Богородица, Дево, Путина прогони
Путина прогони, Путина прогони
(конец хора)

(Choeur)
Sainte Marie mère de Dieu, deviens féministe
deviens féministe, deviens féministe
(Fin du choeur)L’Église fait les louanges de dictateurs pourris
La processions sort de limousines noires
A l’école tu va rencontrer le prédicateur
Va en classe lui apporter de l’argent!

Le patriarche Gundyaev croit en Poutine
Il vaudrait mieux que ce soit en Dieu,  ***,
La ceinture de la Vierge ne remplace pas les meetings-
La Vierge Marie est avec nous dans la protestation!

(Choeur)
Sainte Marie mère de Dieu, chassez Poutine
Chassez Poutine, Chassez Poutine
(Choeur Fin)

 

La qualité de la vie

La Russie ne se distingue pas franchement pas la qualité de vie qu’elle offre à ses concitoyens, il suffit de brancher votre voisine de palier ou votre télévision à l’heure des informations pour se dire « oh! mon Dieu! » mais  l’accumulation de faits divers n’est pas de la statistique et ne permet pas non plus de comparer et de juger correctement. L’OCDE vien de publier une version améliorée de son indice de qualité de la vie dans lequel on peut comparer facilement deux pays ou plus et avoir une vision synthétique des différents aspect qui font la qualité de vie. On apprend par exemple que les 20% les plus riches gagnent 9 fois ce que gagnent les 20% les moins riches (seulement 4 fois en France). La pollution est aussi un facteur important de différence même si la situation tend à s’améliorer.

Mais bien sûr les statistiques ne résument pas à elles seules le sentiment de qualité de vie. Le fait que les gens sont plus ou moins raleurs est résumé dans l’indice desatisfaction à l’égard de la vie. La France obtient 7 (le maximum étant 7.8 pour le Danemark connu pour être moins ronchons que les autres pays), la Russie se situe à 5.3 en queue de classement avec le Portugal et la Hongrie. En France 73 % des personnes interrogées indiquent vivre plus d’expériences positives au cours d’une journée moyenne (sentiment de repos, fierté d’avoir accompli quelque chose, plaisir, etc.) que d’expériences négatives, en Russie seulement 59%.

Enfin pour bien comprendre la différence entre les ronchons et les ronchonneurs ou même les ronchonneaux il suffit d’écouter la chronique de Jean Louis Ezine de ce jour.

DDT Youri Chevtchouk – Amour


Je rajoute cette vidéo puisque vendredi soir j’ai justement vu Iouri Chevtchouk interpréter cette chanson.

 

Paroles DDT – Amour
Он прожил много лет, он прожил много зим
Тянулись серые дни и никого рядом с ним
Он просто пил, ел, спал.Тянулись серые дни
Тянулись серые дни, они и только они
Небо, улицы, люди – все в серой золе
Одиночество стынет на пыльном столе
Он петляет петлей от окна до окна
Из которых уже не видна, не видна онаЛюбовь, любовь, любовь
О-о-о-о, любовь
Il a vécu de nombreuses années, il a vécu de nombreux hivers
Des jours gris se sont traînés et personne près de lui
Il buvait seulement, mageait et dormait.Les jours gris se traînaient
Les jours gris se traînaient, et seulement eux.
Le ciel, les rues, les gens – tous en cendres grises
La solitude refroidit sur une table poussiéreuse
Il serpente à travers de fenêtre en fenêtre
Desquelles ils n’est déjà plus visible, plus visibleAmour, amour, amour
Oh-oh-oh-oh, l’amour
Старый город, зевая, поднялся с земли
Он стряхнул с себя мусор, разогнал корабли
Засадил голый Невский зеленой травой
Александрийский столб покрылся, как мечтами, листвойНервный Петр в увольнении, до сих пор нет
Пошел вразнос, говорят, ведь конь стоял столько лет
Все дома вверх ногами, все сходит с ума
Вон там вдали, вон за Невой она, онаЛюбовь, любовь, любовь, любовь
Любовь
О-о-о-о, любовь
Любовь
О-о-о-о, любовьЛюбовь, любовьЛюбовь
О-о-о-о, любовь
ЛюбовьОн прожил много лет, он прожил много зим
Тянулись серые дни и никого рядом с ним
La Vieille ville, en bâillant, se relevait de terre
Il se secoua de la poussière, dispersa les navires
Planta Nevsky nu avec l’herbe verte
La colonne d’Alexandre a été recouverte comme  des rêves, des feuillages
Pierre, nerveux dans la destitution, jusqu’à présent
Est allé colporter, dit-on, parce que le cheval avait tant d’années
Toutes les maisons sont sur pied, tout le monde devient fou
Là-bas au loin, elle est derrère la Neva,Amour, amour, amour, amour,
L’amour
Oh-oh-oh-oh, l’amour
amour
Oh-oh-oh-oh, l’amourAmour, amourL’amour
Oh-oh-oh-oh, l’amour
L’amourIl a vécu de nombreuses années, il a vécu de nombreux hivers
Des jours gris se sont traînés et personne près de lui

-La colonne Alexandre est une grande (47m) colonne sur la place du palais à Saint Petersbourg.
-La Néva est un fleuve Russe qui coule du lac Ladoga à la mer Baltique dans laquelle il se jette à Saint-Pétersbourg (74km)
Alexandre Yaroslavitch est un grand prince Russe et un chef militaire russe mort en 1263 qui a remporté la bataille de la Néva contre les Suédois (15 juillet 1240), d’ou le nom de Nevski. Il est d’ailleurs un saint puisqu’il a été canonisé en 1547.
(oui je sais dans chacune de ces notes il y soit à un 47 soit à un 74 c’est bizarre).

Entretien avec Olga Sedakova

Olga Sédakova est actuellement la poétesse la plus illustre de Russie, elle a reçu en mars dernier l’ordre des arts et lettres du ministère français de la culture.

Il y a quelques semaines un hebdomadaire russe lui consacrait la une le regard lointain, la cigarette se consumant derrière sa tête. Je vous invite bien sûr à aller lire l’interview qu’elle a donnée à cette occasion à Olga Andreeva pour Russky Repertior. Sinon en voilà la traduction en Français:

Olga Sedakova: « On peut continuer à vivre … »
En quoi croit et espère le plus grand poète du pays

«La deuxième culture» – Voilà comment à l’époque soviétique on appelait le cercle des poètes, des essayistes et des artistes à qui appartenait à Olga Sedakova. Ni la glasnost, ni la démocratie ne l’ont fait en premier. Ce cercle est toujours à coté de la mode, et du mainstream. Dans le monde de Sedakova le temps présent est seulement une partie de l’histoire, mais les surprises du présent ne font que confirmer les lois irréfutables de la nature humaine. En Décembre 2011 à Rome elle, la poétesse russe, a reçu le prix nouvellement créé Dante Alighieri, et en Mars 2012, elle a reçu le titre d’Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française. « RR » a demandé Olga Sedakova de raconter à quoi ressemble la Russie moderne du point de vue de l’éternité.


Olga Andreeva,  le 2 avril 2012, № 13 (242) – Olga Sedakova

Elle est née à Moscou en 1949. Elle commencé à écrire de la poésie très tôt, mais cette passion était longtemps incomprise. Quand est venu le temps d’aller à l’école, la famille d’Olga était à Pékin, où son père travaillait comme ingénieur militaire. Une année à Pékin a forcé Sedakova à voir la Chine comme sa patrie. En 1967, elle entre à la Faculté de philologie l’Université de Moscou. C’est là qu’eut lieu sa rencontre avec les professeurs – N.Tolstoï, I. Lotman, S. Averintsev et d’autres. Peu à peu s’est formé un cercle informel de linguistes universitaires, conservant un point de vue humaniste sur la culture. Son premier recueil de poèmes, Sedakova ne le publia qu’en 1990. Au même moment elle allait pour la première fois à l’étranger. Son excellente connaissance des langues lui a permis en Europe de trouver des amis et lecteurs parmi les gens cultivés. Aujourd’hui 27 recueils de poésie et de prose de Sedakova ont été publiés. Elle est la lauréate de 14 prix russes et internationaux, elle est docteur en théologie honoris causa, et officier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française.

Olga Sedakova est un poète étrange. Ce qui est étrange c’est de refuser en permanence ce que d’habitude on réclame au destin. Sa biographie est dépourvue d’événement tonitruant. Elle a toujours su les éviter. «Dans l’esthétique soviétique – a t-elle dit un jour – il y avait une sorte d’expérience du culte de la vie. Les artistes espèrent souvent trouver dans l’expérience quelque chose qui n’est pas à l’intérieur d’eux même, et délibérément ils se font une expérience particulière: intéressante, sombre et effrayante. Mais le fait est que dans une telle expérience il n’y a pas de sagesse. Je ne voudrais pas avoir certaines de leurs expériences.  »

Sa spécialisation était l’antiquité slave. Cela signifie elle portait un intérêt scientifique à l’homme qui crée: sa culture, sa vie et lui-même. Formellement il s’agit seulement d’un modeste doctorat. Elle est à la fois docteur en théologie et poète. Après la mort de Averintsev, Likhatchev et Lotman Olga Sedakova est restée en Russie, l’un des rares spécialistes sur les valeurs éternelles de l’homme.

***
Son petit appartement de la banlieue nord de Moscou est sombre et calme. Olga a récemment eu une pneumonie et est encore très faible. Sa voix est calme, un léger sourire traverse son visage, les mots échappent à la finalité, à la sentence dernière. Sa façon de parler exige un effort de l’auditeur, pas moins que ce qu’il convient de lui consacrer. Elle invite à écouter attentivement le sens des mots qui s’écoulent. Condamner nous y arrivons. Arrivons nous à écouter? ..

Une lampe de table est allumée et dans la pénombre scintillent des dos de livres et des cadres de photos. La salle carrée et entourée de bibliothèques, un vide d’ascète. Dans cet appartement il n’y a rien de notre siècle, ni du pays. Il n’y a rien hormis des livres. Donc, il y a là le monde entier.

– En Europe il existe le concept d’«intellectuel». En Italie – Umberto Eco, en Allemagne – Günter Grass. Sont ils les frères de sang de nos intellectuels?

– C’est une longue histoire – l’origine de l’intellectuel européen – commence-t-elle tranquillement. – Il provient de l’humaniste, et puis à son tour de l’homme d’église savant. Il s’agit d’une certaine partie intellectuelle de la société, qui s’est toujours réservé le droit d’avoir son point de vue. Mais il y a aussi un autre concept – l’autorité morale. L’intellectuel d’aujourd’hui il n’est pas du tout une autorité morale. L’époque d’une telle autorité, je le crains, est révolue en Europe. Pour beaucoup de mes amis, des européens de culture, ni Eco, ni Grass ou ne sont une autorité morale. Je ne sais pas pour qui ils le sont. L’autorité morale est incarnée par une figure bien différente. Il m’est arrivé d’être en Allemagne lors d’un concert du violoniste aujourd’hui décédé Yehudi Menuhin. Lui il avait cette confiance absolue. Vers lui on venait comme vers un prêtre séculier, pour un soutien spirituel. Les intellectuels occidentaux contemporains ne sont pas ainsi.

– Quelle est la différence?

– Les plus influents d’entre eux, en général, sont d’un parti de gauche et sceptiques dans le sens philosophique du terme. La bonté, la chaleur et la générosité qu’il y avait chez Albert Schweitzer ou chez Yehudi, ils ne l’ont tout simplement pas, c’est un autre type d’hommes. Ils ne sont pas seulement des experts, ils se pensent également eux-mêmes. Et de façon indépendante ils pensent la lutte contre l’injustice. Mais dans l’Europe d’aujourd’hui il est peu probable que vous puissiez en citer un seul homme comme Schweitzer .

– C’est à dire que la bonté est plus importante que les capacités d’analyse?

– Nous avons besoin d’une certaine profondeur, – dit elle détournant les yeux. – Les autorités morales ne sont pas nécessairement des croyants. Je n’ai pas entendu ce que Menuhin a dit de sa religiosité. Mais bon, par exemple, son geste quand, Juif, juste après la guerre il est venu à jouer à Berlin, comme pour montrer – voilà c’est comme ça qu’on va faire … C’est un geste de générosité. Et tout ce qu’il faisait était imprégné de cet esprit … Vous savez qui fut le dernier cette autorité morale. C’est bien sûr Jean-Paul II. Il était entouré par cette même attitude de respect et d’une sorte de joie. C’est pour cela qu’il l’était.

Sur l’armoire derrière Olga il y a une photo encadrée on voit un Jean-Paul II souriant et penchant la tête, à côté il y a une jeune fille un peu gênée: Sedakova . En 1998, à Rome, il lui a remis le prix littéraire Vladimir Soloviev pour « racines chrétiennes de l’Europe. »

– Nous nous étions rencontré pour la première fois trois ans auparavant – ajoute Sedakova. – Il avait invité alors à Rome toute une délégation de personnalités du monde culturel russe. On nous a suggéré de donner au pape nos compositions. J’avais justement un grand livre qui venait de sortir et je l’ai apporté. Bien sûr, je pensais que c’était pour la forme – il ne lirait pas mes poèmes. Il m’avait regardé ainsi et avait dit: « Je crains que ça me sera difficile » Et puis il s’est avéré qu’il avait lu attentivement et lu jusqu’au bout et … en somme aimé.

La dernière fois que Olga a vu Jean-Paul II c’était l’année du millénaire, lorsque le Vatican a raccompagné le millénaire passé et préparé le nouveau.

-Cette année-là, chaque dimanche était consacré à quelque chose. Le dimanche j’ai trouvé tous les croyants de toutes les polices du monde et tous les infirmes. Ils pointaient sur la place devant la cathédrale Saint-Pierre, et je suis venue pour entendre ce que disait le Pape. Il était déjà un homme très diminué, il n’était presque plus maitre de ses mains. Les mutilés étaient les derniers. Ils venaient du monde entier. Et puis, le Pape a dit que l’humanité elle-même aborde le nouveau millénaire comme un infirme, estropié de tous les côtés. C’est ainsi qu’il a clôt la préparation de la nouvelle ère. Et après que ces infortunés sont passés devant le Pape, ils tous été changés, aux yeux de la transformation s’est opérée. Le Métropolite Antoine de Souroge dit que si ne peux voir dans les yeux d’un autre le royaume des cieux, tu ne le verras jamais. C’est seulement les gens qui découvrent les uns des autres.

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Une bonne compréhension de ce qu’est la culture, a toujours différencié Sedakova de ce qui est généralement admis. Ne prouvant jamais rien à personne, elle a pris sur elle une mission de dépositaire. Dans une interview, elle a remarqué que: «La culture ne coïncide pas avec l’érudition livresque, on a été amené à le comprendre depuis l’époque des raznochinski. Je dirais que la culture c’est le développement direct des sens: tels que la vue et l’ouïe. Dans ce que l’Antiquité voyait la vocation du poète. Comme dans le cas d’Orphée – «l’adoucissement de l’humeur. » Un signe d’ « humeur adoucie» est par exemple lorsque qu’une personne ne répète pas les erreurs une fois remarquées.  »

– L’autorité morale est ce que pour la Russie, cette figure est-elle typique?

– Oui, bien sûr. Mais comme en Europe une autorité morale ce n’est pas toujours un intellectuel, et de même chez nous ce n’est pas directement lié à l’intelligentsia. À propos des intellectuels on doit raconter toute l’histoire, elle a une origine quelque peu différente de celle des intellectuels occidentaux.

– Racontez-moi. D’après les dénominations c’est difficile de se faire une idée.

– Oui, oui, c’est très difficile. Pendant les années de liberté relative nous avons formé un type de personnes qui préfèrent se faire appeler des « intellectuals », et non des « intelliguentes » (les deux mots sont intellectuels en français). Ce sont des personnes instruites traditionnellement de gauche. Avec une ironie caractéristique, mais plutôt un péjorative, «déconstructivante» plutôt que pathétique. Ils sentent eux même leur différence par rapport aux anciens intellectuels, que nous avons failli ne pas trouver. L’intellectuel pré-révolutionnaire est un homme libre. Quand on dit que Likhatchev est un exemple de ce véritable intellectuel, il convient d’avoir quelques réserves. Il n’était pas libre, il a dû faire un grand nombre de compromis. Aussi ce n’est pas la peine d’idéaliser l’intelligentsia pré-révolutionnaire. Mais c’est certain qu’ils étaient indépendants de la politique officielle.

-L’intellectualité est elle un non-engagement?

– Oui, il y a là quelque chose de commun entre l' »intellectual » et l' »intelliguente » mais avec une différence: nos intellectuels sont principalement issus de Popovich – voici une autre généalogie. A l’intérieur il y avait une partie très guerrière qui donna ensuite les Narodniki. Ces Popovichiens ont engendré une conscience vive anti-religieuse et même dans une certaine mesure une nouvelle religion : la religion du peuple et c’est Nekrassov qui l’exprima le mieux. C’est un esprit de sacrifice pour servir le peuple. Beaucoup plus que servir la culture. Voilà la différence. Les intellectuels (Intellectuals) choisissent la culture comme objectif de service. Et nos intellectuels (les inteligentes) choisissent les gens.

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Au début des manifestations de masse à Moscou, Olga était en Italie. Elle dit que les visages de ces gens-là sur la place Bolotnaya, l’ont frappée. Juste se retrouver en une telle compagnie, c’est un miracle, et voilà qu’il y a en a toute une place!

– Pourquoi sur la place on entend pas la voix d’une autorité morale? Ce qu’on dit là-bas, ce n’est pas ça.

– Absolument, absolument pas ça! Depuis très longtemps on entend pas ce qu’on aimerait entendre. Le fait est que l’autorité morale c’est absolument une figure informelle. Cette reconnaissance qui vient des sentiments des gens ordinaires. La reconnaissance populaire spontanée. En outre admettons qu’il soit un éminent musicien ou philosophe, il est respecté pour une vie impeccable. Voilà ce qui est notre problème. Celui qui n’aurait pas commencé à parler sur les places, nous penserions que non, ce n’est pas ça. Ils peuvent bien parler mais ne pas y croire.

– Et vous en quoi et en qui est-ce que vous croiriez?

– En l’homme instruit et honnête qui ne veut pas de pouvoir personnel. Il s’agit d’un sujet très important – la dignité. Ce n’est pas seulement du jeu et la politique. C’est surtout la faiblesse de l’homme qui régnait Russie pendant la dernière décennie. Au début il était humilié par le système, puis sa libération eut lieu vers des formes très laides et humiliantes. Il est difficile de trouver les personnes plus très jeunes qui conservent de la dignité. Il semblait que personne n’en ait plus besoin. Et puis tout à coup, on voit des gens qui sortent et la première chose qu’ils disent: nous voulons être respectés. Leur demande n’est pas le pouvoir, pas d’argent mais le respect de l’homme. Il y a justement une nouvelle génération, elle ne pourra plus tolérer d’être humiliée, comme l’a subi la génération précédente. Ce qui est intéressant c’est que leurs adversaires ne peuvent pas intégrer ce message. Ils disent que ce sont des citoyens bien repus ou des occidentaux. Et des mots si simples qui n’ont même pas à être déchiffrés, ils ne les croient pas. Vous savez, plus que le mouvement de protestation, j’ai été attiré par une autre initiative. Par exemple, comment on a commencé à éteindre les feux de forêt, aider les enfants malades, ce que notre société n’avait jamais fait auparavant. Les gens peuvent s’aimer les un les autres, quand ils font ensemble quelque chose de bon, qu’ils ne demandent rien au dessus mais font juste quelque chose eux-même. C’est merveilleux. Une société est née et l’on ne peux plus la maltraiter

– Mais d’où est-est ce qu’on le prend, si les ainés ne l’ont pas appris?

– Le «rideau de fer » est tombé. Les gens ont vu une société fondée sur des bases humanistes, où personne ne peut pour la moindre raison offenser les autres et être agressif. Et bien sûr on est sorti de la peur. Les jeunes vivent dans un monde de plus larges possibilités. Où est l’homme soviétique a perdu sa dignité? Il savait que s’il ne le faisait pas, alors le livre ne serait pas publié. Mais maintenant on sait bien que si on ne peut pas imprimer, bon ben très bien, il y a Internet! On ne dépose plus d’imprimatur – les livres sortent sans imprimatur. Il n’y a plus cette fatalité qu’autrement on ne peut rien faire – il suffit passer par internet.

– Donc, la société est en mutation?

– Bien sûr, elle est beaucoup plus avancée que ceux qui la gèrent. Il était clair depuis longtemps qu’un jour viendrait où le conflit serait ouvert. Ce que les gens vivent maintenant en Russie, la verticale du pouvoir est incapable de se le représenter. Ce n’est peut-être encore qu’une minorité de la population fortement liée avec la capitale et les grandes villes, mais c’est sa partie historique. L’histoire ne se fait jamais avec l’intégralité du peuple. Notre état est maintenant éloigné de sa population. Entre eux deux il y a un mur infranchissable. Même dans la Russie tsariste il n’y avait rien de tel, que l’on décide tout pour tout le monde: ce que les scientifiques ont à écrire, ce que les enseignants doivent enseigner… C’est l’héritage du totalitarisme. Dans le système étatique cela n’a pas encore été dépassé, simplement devenu plus doux.

– Karl Jaspers à la fin des années 40 a proposé de régénérer l’Allemagne grâce à l’approbation morale de la verticale du pouvoir, il a également parlé de la dignité …

– Pas seulement Jaspers. J’ai eu à écrire, par exemple sur Dietrich Bonhoeffer, un pasteur allemand qui a pris part au mouvement anti-hitlérien et qui fut tué. Il a écrit une œuvre qui s’intitule « Dans dix ans » , il me semble que tout le monde devrait la lire. Il décrit l’expérience allemande, ce qui est arrivé à l’homme en dix ans de totalitarisme. La première tâche c’est d’avoir conscience de ce qui est arrivé à l’homme.

– Vous voulez parler de la période soviétique?

– Pour moi il n’y a pas de frontière. L’époque post-soviétique est une continuation de ce qui était semé. Nous avons eu une catastrophe qui s’est produite. Le système soviétique était un immense camp éducatif. On voulait créer un homme nouveau. A l’école et à la maternelle on endoctrinait les gens, à qui on retirait complètement le libre arbitre, et on disait qu’ils étaient conscients seulement s’ils étaient prêts à exécuter tout ce qu’on leur demandait. Mais de telles personnes étaient privées de la possibilité de penser à quelque chose de complexe et de profond. L’une des pires caractéristiques de cet homme soviétique était la méfiance. Voici un contraste énorme entre ce que nous voyons en Europe, et ce qu’il y a ici. Nous sommes toujours à la recherche d’une sorte d’arrière-pensée, nous n’écoutons pas directement les mots, constamment nous soupçonnons quelque chose. Et un homme qui fait confiance, qui accepte ce qu’on lui dit comme argent comptant passe pour un imbécile. Les années post-totalitaires, ont peut-être même renforcé ce trait ridicule, la méfiance des uns envers les autres et en général envers tout. De quoi peut parler une autorité lorsque tout est l’objet de soupçons? Pendant trop longtemps l’homme appris à ne pas faire confiance, et on le paye très cher. Avec un tel manque de confiance aucune société ne peut naître. Parce que la société c’est l’interaction de gens qui se font confiance les uns les autres. Et maintenant nous voyons que le gouvernement continue à jouer un jeu bien connu, mais la nouvelle génération n’en a plus besoin. Ils ne veulent pas qu’on les plonge dans les ténèbres et ne veulent pas non plus se plonger dans le noir.

– Mais pourquoi il n’y a pas de réponse du coté de la culture?

– Parce que toutes ces années durant, la culture contemporaine était représentée par des gens qui ne parlent pas positivement. Combien de fois j’ai dû aller à tel ou tel endroit en Angleterre ou en Italie, où l’auditoire me demandait: « Mais quoi? vraiment? la culture russe n’est pas morte? » Je disais «Non». Et ils répondaient: « Mais nous avons vu untel ou untel, et il nous a dit que tout était fini. » Depuis la fin des années 80 un festin a commencé, avec le communisme on a mis un terme à la grande culture russe, ça suffit, elle est répressive et ainsi de suite. Et ça ce sont les acteurs de la culture eux-mêmes qui l’ont fait.

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– Dans votre dernier livre: »L’apologie de l’esprit», vous écrivez au sujet d’une propriété particulière de l’esprit – penser de tout son être, par la nature, de part en part, de haut en bas. On ne peut penser ainsi que sur Dante? Ou bien est ce que c’est applicable à la politique?

– La pensée sur la vie et la pensée sur Dante c’est la même chose, cette idée c’est la façon dont Dante voit la vie. Pour ce faire il n’est même pas absolument nécessaire de lire la comédie. Nous parlons ici d’une certaine compréhension de la vie, qu’ont les soi-disant gens ordinaires, en particulier les paysans, et pour une quelconque raison il l’ont beaucoup plus facilement que les gens instruits.

– Et où apprendre cela?

– Oui, en effet toute la question c’est que c’est très peu enseigné. Le système éducatif a cessé de fonctionner avec l’homme. L’éducation c’est l’éducation de l’homme. Mais je connais des enseignants qui font cela. C’est comme Bibikhin, ses conférences étaient non seulement sur la philosophie de Heidegger et de Wittgenstein, mais aussi d’une conversation sur le monde et la vie, c’était l’amorce d’une autre conscience. Dans un sens Averintsev procédait de même. Ce n’est pas sur Virgile que nous allions l’écouter, il nous parlait de quelque chose de beaucoup plus grand.

– Maintenant une telle façon de penser est elle accessible?

– C’est toujours accessible, et ça ne devrait pas perdre de son attrait. L’homme, par nature, aime la sagesse et la beauté. Il est été attiré vers cela. Dans n’importe quelle position l’homme se rappelle la valeur de cette sagesse. Il semble que vous pouvez vivre sans elle, que c’est superflu et qu’il faut apprendre de certaines choses basses. Mais nous devons nous rappeler que à la racine de la vie il y a certaines conceptions et certaines responsabilités. Nous l’avons simplement oublié. L’esprit est réduit à une rationalité technique qui ne voit pas d’impact immédiat. La pensée est maintenant très courte.

– Cette capacité est caractéristique de notre formation politique?

– Absolument pas caractéristique. Je ne sais pas du tout si nous avons une formation politique. Où nous sommes formés à la politique? Avant c’était dans les écoles du parti, et maintenant d’où on apprend ça? Ils ne n’en n’ont manifestement pas, ne serait-ce même que la politique générale ou une formation générale humanitaire.

– Que suggèreriez-vous?

– J’ai une pensée très simple qui vient de la vie: l’homme devrait vivre avec un cœur beaucoup plus tendre que ce à quoi nous sommes habitué. À l’école, dans la rue, depuis son enfance l’homme doit au moins se sentir aimé, respecté, alors il se développe bien mieux intérieurement. Comment construire une société humaine, je ne sais pas, mais chacun à son niveau peut en faire un peu: permettre à l’homme d’être heureux. Le grand art a cette capacité d’apporter le bonheur. Aujourd’hui dans le monde il y très peu de tels artistes.

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– Vous êtes une personne orthodoxe. Il y a des rumeurs au sujet d’une certaine communauté dont vous faites partie.

– Non, je n’en suis pas. Je suis un paroissien ordinaire de l’église de l’ordinaire. Mais j’ai des amis qui en étaient avant, quand ils n’étaient pas connus, s’appelaient kochetkovtz parce que le fondateur de leur communauté était le Père Georgy Kochetkov. Maintenant leur position dans l’église complètement rétablie, plus aucun d’entre eux n’est sur la sellette. Je ne suis pas un membre de ce mouvement, je suis simplement leur ami, ils me plaisent vraiment. Chaque année en automne, ils organisent des conférences sur divers sujets. L’année dernière, c’était consacré au service à l’église dans la société, voilà encore l’une des valeurs qui ont disparu. Avec le service on a des rapports plus froids, parce que la propagande l’exige: sers, sers, sers – la patrie et le Parti. Pour beaucoup, la liberté se situe dans le fait de ne servir rien ni personne, et vivre leur vie privée. C’est une réaction naturelle. Mais toute personne qui s’occupe des gens avec un point de vue philosophique ou religieux, sait que demeurer ainsi est impossible. Après quelques temps cette vie privée se révèle être vide et détestable. L’homme doit servir quelque chose, quelque chose doit lui être plus cher que lui-même. Ses valeurs personnelles résident dans le fait qu’il sert quelque chose.

– Et maintenant la question de ce service resurgit?

-Quoique maintenant il y a la dignité – se tenir droit et ne pas donner sujet à des moqueries. Mais la nécessité du service se pose aussi. Je connais des gens qui travaillent avec des orphelins, avec des malades – ils sont nombreux, et il n’a rien à voir avec le pouvoir. Quand ça n’a plus été interdit, tout le monde s’est rendu compte que cela pouvait être fait. Mais cela a mis beaucoup de temps avant que l’on comprenne que cela devait être fait. Cette idée a été repoussée chez nous: aider. L’homme est un ami pour l’homme, un camarade et un frère, mais certainement pas celui qui aide le pauvre, qui plaint le malade. Mais jusqu’à présent le monde occidental se base sur ça. Dans le même temps ils l’appellent eux même post-chrétien, le nombre fidèles suivant règles de l’église est très petit: en France probablement 3% et en Angleterre 2%. Mais ce monde est construit sur des valeurs chrétiennes.

– Et le monde orthodoxe?

– Maintenant que l’église est devenue une partie légale de la vie en commun, Tout ce qui était avant dans la société s’y est retrouvé. Elle a absorbé des gens qui lisent des prières mais dans leur tête, ils ont de la matière, la lutte des classes c’est une horreur. Mouvement chrétien ou humain n’est pas souvent que vous voyez dans l’église, mais seulement dans la vie. Cela signifie que l’humanité n’est pas morte.

– Est-ce qu’un Etat moderne peut être fondé sur des valeurs traditionnelles?

– Je suis pour un Etat laïc. L’état ne doit pas avoir de justification religieuse. Dans sa conception c’est une chose assez simple: il s’agit d’un système qui, comme Paul l’a écrit, protège le bon du mauvais. Pourquoi y a-t-il une religion? Elle accomplit simplement une sorte de justice. L’orthodoxie ne devrait pas avoir une position privilégiée, en particulier en Russie, où il y a de nombreuses confessions différentes. La véritable orthodoxie bien sûr, change l’homme. Mais la transmettre? L’idée d’enseigner cela à l’école ne me plait pas. Lorsque des indignes enseignent des choses dignes, il grandit une génération de Popovich-Aimant-le-bien et ce sera encore un autre populisme.

– Est-ce que les valeurs changent? Le bien, l’amour?

– Ce n’est pas une question de valeur, mais de conditions de vie. C’est ce sans quoi on ne peut pas vivre, c’est le fondement de l’humanité. Et, peut-être, pas seulement de l’humanité. Tenez mon chat est mort récemment. J’ai vu en lui beaucoup de dévouement et de d’abnégation. C’était sa vie. Pouchkine a dit: le sens moral dans la nature des choses. Si une partie de la vie commence à vivre au mépris de son environnement, à ne vivre que pour elle-même – je pense qu’elle va bientôt mourir … Rappelez-vous le dernier vers de Dante: « L’amour qui meut le soleil et les astres »? C’est une loi physique. Sans cela, tout est fini.

***

En 1974, Olga Sedakova a pour la première fois lu ses poèmes en présence de Lotman à Tartu. Alors Yuri Mikhailovich chuchota à son professeur Nikolaï Tolstoï: « N’en faites pas un savant, laissez la poète. » Sedakova devint l’un et l’autre, et encore quelqu’un d’autre. Peut-être quelque chose comme un diapason, finement réglé pour rechercher l’autre, l’harmonie humaine extérieure, la soumission et l’existence du bonheur.

– Un jour, lors d’une rencontre une question de l’auditoire fut: combien de pour cent de vos vers sont sur Dieu? Vous avez dit: «Tous les vers sur Dieu? Ça doit faire dans les 60%.  » Et les quarante autres?

– Vous savez, les quarante autres ils ne m’intéressent pas trop, ils peuvent être sur n’importe quoi.

– Il est difficile d’avoir le don?

– Oh, c’est difficile! Tu n’es jamais sûr que tu l’as. Maintenant, il est là, et après il semble qu’il ne sera jamais là.

– Et comment savez-vous quand il est là?

– C’est facile! C’est comme le soleil soit il est là, soit il fait nuit.

– Est ce que vous accepter l’idée selon laquelle vous êtes le seul poète depuis Brodsky.

– Je pense que même avant! – Sedakova soulève innocemment les sourcils. – Je n’aime pas trop Brodsky. C’est un poète qui ferme. Et des raisons pour cette fermeture il n’y en avait pas beaucoup. Nous avons besoin de nouveauté, mais de nouveauté informelle. Il ne cessait de parler de la langue, mais la chose, ce n’est certainement pas dans la langue. Le fait est qu’il y a quelque chose à dire. Et il ne cessait de répéter: «Je n’ai rien à dire. » Je suis de mauvaise humeur quand je le lis.

– Qu’est-ce que la poésie doit donner?

Vous savez, récemment deux personnes m’ont écrit que mon poème – « L’Ange de Reims » – les a sauvées du suicide. L’une d’elles vit en Italie et l’autre en Suisse. Elles ont lu ces poèmes en traduction. Est apparu un monde de jeunes gens malheureux qui ne comprennent pas pourquoi vivre. Ils n’ont vraiment rien à faire tout leur semble sans valeur – la civilisation n’offre rien en soi. Une fille qui voulait se tuer se ravisa après avoir lu l’«Ange de Reims, » ​​ nous avons même parlé. Je lui ai dit, ‘Vous avez tellement de beauté. Ca me suffirait de regarder un lac dans les Alpes « . Et elle dit: «Non, il n’y a pas assez de beauté. » Elle a tout. On l’aime, elle a des parents merveilleux. Elle ne peut pas expliquer. Simplement elle il n’y a pas de sens pour elle de se lever le matin. A chaque fois, cela n’a aucun sens. Et je leur dis une chose simple: vous pouvez vivre.

 

L’ANGE DE REIMS

à François Fédier

Es-tu prêt ?

sourit cet ange –

je pose la question, bien que je sache :

sans aucun doute tu es prêt ;

car ce n’est pas au premier venu que je parle,

mais à toi,

homme dont le cœur ne souffrira pas qu’on trahisse

ton roi terrestre

qui devant tout le peuple était ici couronné,

ni l’autre souverain,

le Roi des Cieux, notre Agneau,

mourant dans l’espérance qu’à nouveau tu m’entendes ;

encore et encore,

comme tous les soirs,

les cloches appellent mon nom,

ici, en cette terre où croît le bon froment

avec le raisin blond,

et l’épi et la grappe

s’abreuvent de mon timbre.

Mais quand même,

dans cette pierre rose qui s’effrite,

levant le bras,

que la grande guerre m’a arraché,

quand même, laisse-moi te rappeler :

es-tu prêt ?

pour la peste, pour la faim,

les tremblements de terre, le feu, l’invasion des barbares,

le déferlement des fureurs ?

sans doute, tout cela est grave, mais je ne parle pas de cela.

Non, ce n’est pas cela qu’il me faut rappeler.

Ce n’est pas pour cela que l’on m’a envoyé.

Je dis :

es-tu

prêt

pour l’incroyable bonheur ?

 (traduction Philippe Arjakovsky)

On peut lire et écouter Olga Sedakova dire son poème en public (suivie de la traduction en Italien) ici.